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Alimentation : les vérités d'un contrôleur vétérinaire

Mercredi 3 décembre s'est tenu devant le tribunal correctionnel de Dijon (21) le procès des responsables d'une fromagerie d'Époisses. Ils sont prévenus d'avoir vendu des fromages qu'ils savaient contaminés par la listéria. Deux consommateurs sont décédés. Une affaire qui nous donne l'occasion de faire le point sur les contrôles vétérinaires. Un technicien d'une DDSV (Direction départementale des services vétérinaires) s'est confié à Que Choisir. Malaise. Une exclusivité UFC - Que Choisir (texte intégral)

 

Technicien vétérinaire dans une DDSV (direction départementale des services vétérinaires) du grand Ouest dont le rôle est de contrôler la filière agroalimentaire, Monsieur T... parle depuis plus de deux heures. Il ne fait ni dans le sensationnalisme, ni dans la révélation d'affaires précises. Il ne revendique rien, n'attend rien en retour, n'exprime aucune animosité. Il évoque seulement son quotidien, loin des discours officiels. Extraits.

Des contrôles forcément limités
« Des camions remplis de viande congelée dont la DLC (date limite de consommation) est dépassée circulent sur nos routes. Combien ? Impossible à dire mais on en arrête parfois lors d'opérations de contrôle. Légalement, cette viande peut être retravaillée industriellement afin d'être intégrée dans la nourriture pour animaux (chiens et chats). En réalité, on perd vite la trace de la cargaison et l'on sait très bien que certains de ces poids lourds bifurquent vers les usines de fabrication de plats cuisinés type lasagnes ou raviolis. Pour le démontrer, il faudrait remonter dans les comptabilités, éplucher les factures. Ce n'est pas la mission des DDSV. Il faut donc transmettre le dossier à la Répression des fraudes. Mais il y a un réel risque d'enlisement. Vous savez, la guerre des services ça existe ! [...] Dans l'industrie alimentaire, rien ne se perd : on parle beaucoup de « compléter la production ». Exemple avec le saumon fumé : quand elles l'emballent, les marques prestigieuses laissent de côté de nombreuses chutes. Ces parties peu nobles sont revendues à des fabricants moins prestigieux qui, en période de fêtes, ont de gros besoins : ils intègrent donc ces chutes. Autre illustration, les oeufs vendus sur le marché. Le forain met en vente dans un panier des oeufs de la ferme. En fait, quelques-uns ont dû être achetés chez un conditionneur. Comment le prouver lors d'un contrôle inopiné ? Pour pouvoir l'établir, il faudrait, là encore, pouvoir consulter la comptabilité du forain, ses factures...

Alerte aux antibiotiques
« Aujourd'hui, le problème ce n'est plus l'hygiène, ni le sanitaire. C'est tout ce qui se passe en amont : la composition des produits alimentaires (par exemple, additifs) de même que l'alimentation animale. Et puis, entre les vaccins et tous les antibiotiques donnés aux animaux dont nous consommons ensuite la viande, les bactéries vont finir par résister. Une prise de conscience s'impose. Pour qu'il en soit ainsi, en étant provocant, je dirais qu'il faudrait qu'une crise comme le SRAS (grippe asiatique du poulet) touche le monde animal. Cela permettrait également aux DSV d'avoir davantage de moyens. On est débordés ! La réduction du temps de travail, les contraintes administratives et organisationnelles de plus en plus lourdes (une note a évalué que celles-ci représentaient 50 % de notre temps !) se conjuguent avec une baisse constante de nos budgets de fonctionnement. Un exemple ? On délaisse de plus en plus le terrain parce que l'on a de moins en moins d'argent pour mettre de l'essence dans nos véhicules ! »

Pressions sournoises
« L'industrie agroalimentaire pèse de manière non négligeable dans notre économie. Forcément, cela a une influence sur l'activité des DSV. On doit l'admettre sinon il ne reste plus qu'à se taper la tête contre le mur. La connivence entre nous et les industriels ? Elle peut exister notamment chez les agents les plus anciens. "Il a touché son onglet" : c'est l'expression consacrée pour désigner ceux qui ferment les yeux quand il le faut. La malhonnêteté, elle existe comme partout. Dans les DSV, ce n'est ni mieux, ni pire ! En fait, le plus souvent, les comportements légers sont liés à la paresse, à l'incompétence et au découragement. Dans les abattoirs, les agents des DSV sont vus comme des empêcheurs de tourner en rond. Ils ne sont pas non plus considérés par leur hiérarchie, indifférente ou absente lorsqu'il faudrait les couvrir. Résultat, ces fonctionnaires finissent par laisser faire dans le seul souci d'éviter toute tracasserie. Ils s'autocensurent également. Dans des régions très agricoles, les préfets peuvent demander aux DDSV de lever un peu le pied parce qu'ils en ont marre de devoir supporter les plaintes des syndicats agricoles locaux ! De fait, il y a certains terrains sur lesquels on ne va pas, sans même qu'on nous le demande ! »

Arnaud de Blauwe

Ecrit par Lucanus, le Vendredi 12 Décembre 2003, 16:49 dans la rubrique "Actualité".